Orientations générales

Pour la philosophie contemporaine, la détermination du sens de « la politique » a cessé d’aller de soi ; celle-ci ne peut plus s’identifier à une activité humaine particulière (le gouvernement, le pouvoir, la lutte des classes, la délibération, …). Désormais, le discours philosophique problématise la politique à partir des multiples processus qui, quels qu’en soient les terrains d’effectuation, tendent à la libération de possibilités neuves d’être-ensemble. U-topique, sans lieu propre, la politique peut affecter toutes les pratiques : aussi bien celles de l’ordre socio-économique que celles du langage, de l’éducation, de la spiritualité, de la religion, de la sexualité, de la nature, de l’art, de la littérature ou du droit. Aussi la tâche actuelle de la philosophie politique est-elle de saisir ces processus au sein des transformations historiques, d’en extraire les significations et d’en dégager conceptuellement les enjeux.

Au sein de l’Unité, la recherche en philosophie politique se définit moins par ses objets ou ses terrains d’investigation que par son approche de la politique, son mode de questionnement ou sa méthode. Inscrite dans l’héritage des Lumières radicales, elle se réclame d’une philosophie critique qui pense les processus politiques — les événements — depuis leurs conditions d’effectuation.

Dans la mesure où l’apparition d’un nouveau mode d’être-ensemble implique des ruptures avec l’ordre social donné dans lequel il survient — rejouant les règles ou les normes de son fonctionnement—, la démarche critique doit penser le conflit, le différend ou le litige provoqué par la politique. Dégager les conditions d’effectuation des processus politiques suppose ainsi l’analyse des rapports de force, des lignes de fracture, des retournements qui les constituent. Mais cela exige, tout autant, le repérage de ce qui supplémente le pur rapport de force : la portée émancipatrice des modalités inédites d’être-ensemble ou de production du commun. Tournée vers celles-ci, la philosophie politique est indissociable d’une éthique au sens fort du terme : une étude des subjectivations, tout à la fois collectives et individuelles, par lesquelles le commun prend naissance et s’institue, à même les événements.

Cette démarche critique est mise en œuvre sur deux types de matériaux privilégiés, définissant deux types de recherches :

a) Les textes composant l’histoire de la pensée et de la philosophie politique, leurs concepts et leurs problèmes (Histoire et textes de la philosophie politique) ;

b) Les institutions, entendues comme autant de systèmes normatifs structurant notre  monde, envisagées depuis les événements qui les affectent et les transforment (Philosophie critique des normes).

Par là, les travaux menés au sein de l’Unité de recherches en philosophie politique et philosophie critique des normes visent à contribuer positivement à la problématisation de la politique et au renouvellement des concepts à travers lesquels nous la pensons. En définitive, il s’agit, à l’appui d’une philosophie critique radicale, de faire l’épreuve de notre actualité — quel est le présent auquel nous appartenons ? —, et par là, celle de nos limites — quelles sont les conditions de notre pensée ? Est-il possible de penser autrement ?

Histoire et textes de la philosophie politique
Philosophie critique des normes