Philosophie critique des normes

Si la philosophie critique peut se définir de manière générale comme une interrogation portant sur les conditions de possibilité et les limites des savoirs et des pratiques, son application aux normes en transforme l’exercice. La norme ne vaut en effet que par les écarts qu’elle institue (Canguilhem, Foucault) ; aussi la critique ne prendra-t-elle pour objet les conditions qui rendent possibles nos discours et règlent nos pratiques (institutions) que sous l’exigence de saisir en même temps les pratiques et les discours qui, en déplaçant les limites, en modifiant les règles, s’avèrent producteurs d’autres possibles de pensée, de vie et d’être-ensemble (événements).

L’interrogation porte ici sur les « institutions » au sens le plus large du terme, c’est-à-dire : les formes, structures ou pratiques sociales considérées comme des systèmes normatifs. Pris en ce sens, le concept d’institution ne s’applique pas seulement aux formes sociales relevant du droit public, mais peut s’étendre à une multitude de phénomènes, relevant aussi bien du dire que du faire : le discours juridique mais aussi le langage, l’éducation, les religions, le marché, la morale, les sciences, l’aménagement du territoire ou les pratiques artistiques.

La philosophie critique des normes tente d’identifier les processus politiques actuels depuis cette tension entre institutions et événements, comme autant de devenirs qui travaillent et transforment les institutions, voire les engagent dans des mutations révolutionnaires. Cette analyse — dont les enjeux sont à la fois théoriques et pratiques — s’appuie ici sur divers outils : ceux de la philosophie politique et sociale contemporaine, de la philosophie du langage ordinaire, de la philosophie du droit, de l’esthétique ou de la philosophie des sciences mais également sur les ressources issues d’autres disciplines (sociologie, histoire, anthropologie, géographie, pédagogie, etc.).